Comment coller efficacement
sur les dents atteintes de MIH ?
Message n°22 : La prévalence des MIH (hypominéralisation Molaire Incisive)
est très forte, et ce, partout dans le monde. Une récente revue systématique et
méta-analyse sur 99 études incluant plus de 100 000 participants sur 43 pays
différents donne une valeur moyenne de 13% (1) ! Une étude similaire,
l’an dernier, donnait, sur 70 études, une prévalence de 14%(2).
Les conséquences de ces MIH sur les tissus dentaires (3) et sur la qualité de vie des
patients (4) sont connues. Le praticien
doit donc connaître les différentes modalités de traitement possible (5). Parmi celles-ci, le collage
aux tissus atteints pour protéger, améliorer l’esthétique ou restaurer, est
souvent incontournable. Mais le collage
sur ces tissus est reconnu comme étant moins performant (6). Nous attendions un article
de référence sur le collage aux tissus hypominéralisés dans le cas des dents atteintes
de MIH. Il vient d’être publié (7) ! Il s’agit d’une étude
in vitro dont je vais faire une synthèse dans ce message.
Les auteurs du département de Dentisterie Pédiatrique et de
Dentisterie Opératoire de l’Université de Marburg en Allemagne, ont pu
travailler sur 53 dents extraites atteintes de MIH (molaires et incisives) à
des degrés divers, avec atteinte de la dentine ou non ! 41 dents non
atteintes de MIH ont servi de contrôle.
Après avoir préparé les échantillons, ils ont appliqué une
série de procédures de collage avec 3 adhésifs différents (Optibond FL-Kerr,
Scotchbond Universal 3M-ESPE et Clearfill SE Bond - Kuraray) sur émail affecté
(en comparant à l’émail non affecté) et sur la dentine affectée (en comparaison
avec la dentine non affectée). Notons
que sur l’émail, le primer de l’optibond FL n’a pas été utilisé.
Parmi les procédures de collage, ils ont testé l’utilisation
d’une résine fluide d’infiltration ( Icon – DMG) sur l’émail avant de coller un
composite (Z250 – 3M-ESPE). Un autre
groupe expérimental évalue l’influence, après mordançage acide à l’acide
phosphorique, du lavage de la surface amélaire avec de l’hypochlorite de sodium
(5,25%) pendant 1 minute, sensé éliminer une partie du surplus de protéines sur
ce type d’émail poreux.
L’évaluation de l’adhérence s’est faite à l’aide d’un test
de microtraction. Les auteurs ont aussi observé les modes de ruptures au
microscope optique et certains échantillons représentatifs au Microscope
Electronique à Balayage. Enfin une superbe coupe histologique montrant les
différents tissus en présence au sein d’une dent atteinte de MIH est présentée pour
ceux qui liront l’article (il s’agit de la figure 2).
Voici une synthèse
des résultats obtenus :
1)
Le collage sur l’émail hypominéralisé est
nettement moins bon que sur l’émail sain (on passe de 31,2 MPa en microtraction
à 21,3 MPa pour l’Optibond FL). L’Optibond FL se comporte mieux que les 2
autres adhésifs testés sur ce tissu.
2)
L’application de l’hypochlorite prélablement à
l’adhésif n’améliore pas significativement les résultats (23,6 MPa) mais il
faut noter que cette application entraîne moins de décollements spontanées
(échantillons perdus).
3)
Le mordançage de l’émail affecté à l’acide
phosphorique ne procure pas des reliefs d’attaque efficace. L’analyse des ruptures montre d’ailleurs bien
que c’est cet émail poreux qui est le maillon faible de l’assemblage collé.
4)
L’utilisation d’une résine d’infiltration (Icon
– DMG) n’améliore pas significativement l’adhérence (24,5 MPa) même s’il semble
que cela améliore l’infiltration au sein des porosités.
5)
La dentine hypominéralisée ne présente pas de
moins bonnes valeurs d’adhésion que la dentine saine (56,6MPa vs 56,9 MPa pour
l’Optibond FL). Ce résultat est valable
pour les 2 autres adhésifs testés.
Aucune rupture spontanée n’est observée sur les échantillons
dentinaires, ce qui confirme la bonne qualité du collage sur la dentine
affectée.
Conclusion de l’étude
: Cette étude confirme de façon convaincante que le facteur limitant du
collage sur les dents atteintes de MIH se situe au niveau de l’émail mais pas au
niveau de la dentine. Ces données me conduisent à définir 2 recommandations
pour le collage sur les dents atteintes de MIH. Je prendrai l’exemple du
secteur antérieur (traitement des taches sur les incisives ou les canines) et
du secteur postérieur (protection et/ou restauration des premières molaires
atteintes).
Recommandations:
1.
Secteur
antérieur
Dans le cas du traitement des taches liées à une MIH, nous savons qu’une infiltration en profondeur est toujours nécessaire(8,9) et les résultats de cette étude ne vont pas modifier notre attitude antérieur. En effet, le collage se fera toujours sur l’émail par l’intermédiaire d’une résine d’infiltration qui servira d’adhésif. Dans ce cas, le résultat n°2 (notamment le faible nombre de décollements spontanés) pourrait nous conduire à utiliser, après la dernière application d’HCl, et avant l’application d’alcool, une solution d’hypochlorite de sodium à 5% pendant 1 minute. Mais il faudrait pour cela démontrer que cette application ne contrarie pas la pénétration de la résine d’infiltration. Notons que jusqu’à présent, l’hypochlorite de sodium était utile uniquement dans le cas de taches colorées mais n’était pas utilisé juste avant l’infiltration. J’en profite pour rappeler que, même en profondeur, il est indispensable d’appliquer 2 couches de résine d’infiltration afin que celle ci soit suffisamment épaisse pour servir d’adhésif. Sur la partie périphérique de la concavité que nous comblons, nous collons sur de l’émail sain et pour le moment nous faisons confiance (mais c’est un point qui reste à démontrer) à l’attaque de l’HCl à 15% pour générer des reliefs d’attaque efficace sur l’émail.
Dans le cas du traitement des taches liées à une MIH, nous savons qu’une infiltration en profondeur est toujours nécessaire(8,9) et les résultats de cette étude ne vont pas modifier notre attitude antérieur. En effet, le collage se fera toujours sur l’émail par l’intermédiaire d’une résine d’infiltration qui servira d’adhésif. Dans ce cas, le résultat n°2 (notamment le faible nombre de décollements spontanés) pourrait nous conduire à utiliser, après la dernière application d’HCl, et avant l’application d’alcool, une solution d’hypochlorite de sodium à 5% pendant 1 minute. Mais il faudrait pour cela démontrer que cette application ne contrarie pas la pénétration de la résine d’infiltration. Notons que jusqu’à présent, l’hypochlorite de sodium était utile uniquement dans le cas de taches colorées mais n’était pas utilisé juste avant l’infiltration. J’en profite pour rappeler que, même en profondeur, il est indispensable d’appliquer 2 couches de résine d’infiltration afin que celle ci soit suffisamment épaisse pour servir d’adhésif. Sur la partie périphérique de la concavité que nous comblons, nous collons sur de l’émail sain et pour le moment nous faisons confiance (mais c’est un point qui reste à démontrer) à l’attaque de l’HCl à 15% pour générer des reliefs d’attaque efficace sur l’émail.
2.
Secteur
postérieur
Dans le cas d’une dent postérieure atteinte, je vais prendre l’exemple du collage d’un overlay, qui est la thérapeutique la mieux adaptée lorsque l’hypominéralisation est sévère (Cf cas clinique illustrant ce message). Lors du recouvrement cuspidien, il faudra essayer d’aller chercher des zones d’émail sain en périphérie (peut être que dans l’exemple qui illustre ce message, j’aurais dû aller un peu plus loin notamment en proximal et en mésio-vestibulaire afin de garantir une bonne étanchéité périphérique), puis de réaliser un SDI (scellement dentinaire immédiat), recouvert d’une très fine couche de composite fluide. Grâce à cette publication nous savons que le collage à ce niveau dentinaire est performant. Puis il faut, à l’aide d’une fraise bague rouge, avant de prendre l’empreinte, débarasser l’émail périphérique des débris de collage (adhésif). L’overlay sera le plus souvent réalisé en composite (10) car en général les épaisseurs qu’ l’on pourra avoir seront de l’ordre du mm donc insuffisant pour la céramique (1,5 mm minimum nécessaire, surtout lorsque nous collons sur la dentine ou sur du composite fluide collé sur la dentine). Notons comme pour le secteur antérieur que ces recommandations cliniques correspondent à celles que nous faisions jusqu’à présent, en utilisant notre bon sens. Cette étude les justifie pleinement.
Dans le cas d’une dent postérieure atteinte, je vais prendre l’exemple du collage d’un overlay, qui est la thérapeutique la mieux adaptée lorsque l’hypominéralisation est sévère (Cf cas clinique illustrant ce message). Lors du recouvrement cuspidien, il faudra essayer d’aller chercher des zones d’émail sain en périphérie (peut être que dans l’exemple qui illustre ce message, j’aurais dû aller un peu plus loin notamment en proximal et en mésio-vestibulaire afin de garantir une bonne étanchéité périphérique), puis de réaliser un SDI (scellement dentinaire immédiat), recouvert d’une très fine couche de composite fluide. Grâce à cette publication nous savons que le collage à ce niveau dentinaire est performant. Puis il faut, à l’aide d’une fraise bague rouge, avant de prendre l’empreinte, débarasser l’émail périphérique des débris de collage (adhésif). L’overlay sera le plus souvent réalisé en composite (10) car en général les épaisseurs qu’ l’on pourra avoir seront de l’ordre du mm donc insuffisant pour la céramique (1,5 mm minimum nécessaire, surtout lorsque nous collons sur la dentine ou sur du composite fluide collé sur la dentine). Notons comme pour le secteur antérieur que ces recommandations cliniques correspondent à celles que nous faisions jusqu’à présent, en utilisant notre bon sens. Cette étude les justifie pleinement.
1. Schwendicke
F, Elhennawy K, Reda S, Bekes K, Manton DJ, Krois J. Global burden of molar
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2. Zhao D, Dong B, Yu D, Ren Q, Sun Y. The
prevalence of molar incisor hypomineralization: evidence from 70 studies. Int J
Paediatr Dent. 2017 Jul 21;
3. Elhennawy K, Manton DJ, Crombie F, Zaslansky
P, Radlanski RJ, Jost-Brinkmann P-G, et al. Structural, mechanical and chemical
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Patel N. Molar Incisor Hypomineralization. J Contemp Dent Pract. 2016 Jul
1;17(7):609–13.
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10. Schlichting LH, Maia HP, Baratieri LN,
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veneers for the treatment of severe dental erosion. J Prosthet Dent. 2011
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